Interview écrite Lionel Chaine – DSI BPI France
Lionel, leader dans le domaine des systèmes d'information, a tracé une trajectoire professionnelle impressionnante, naviguant entre des rôles stratégiques au sein de diverses organisations. Depuis son rôle de Directeur des Systèmes d'Information du pôle Colis et Directeur du SI Finance du pôle Courrier au sein du Groupe La Poste, jusqu'à son poste actuel en tant que Directeur des Systèmes d'Information chez Bpifrance, Lionel a démontré une aptitude à fusionner la technologie avec la vision stratégique. Cette remarquable carrière est ponctuée d'une série d'accomplissements notables, notamment la reconnaissance en tant que finaliste aux European Digital Leader Of The Year 2020 Awards, et la réception du Grand Prix du DSI de l'année 2019, entre autres.
1. Pouvez-vous partager avec nous comment votre parcours professionnel a évolué au sein du Groupe La Poste, avant d'occuper le rôle de Directeur des Systèmes d'Information chez Bpifrance ?
Au sein du groupe La Poste et ses filiales pendant vingt-cinq ans, j’ai eu la chance de connaître et d’accompagner la révolution du E commerce et donc la transformation digitale de la chaine logistique du Colis et du Courrier. Le digital a permis d’augmenter « les facteurs » et faire basculer La Poste dans le monde des Services. Quand l'opportunité de Bpifrance s'est ouverte à moi, je cherchais trois choses. D'une part acquérir des compétences complémentaires dans mon parcours, en l'occurrence je ne connaissais pas le domaine de la banque. D'autre part, je voulais garder une raison d'être. Je suis ainsi passé de « relier les hommes » à « servir l'avenir ». Et puis, je voulais rencontrer une envie, une équipe, un ComEx. Clairement, j'ai trouvé l'écoute et le projet pour transformer aujourd'hui le SI de Bpifrance au service des entrepreneurs de toute la France.
2. Avec plus de dix ans d'expérience chez le Groupe La Poste, pouvez-vous discuter des défis que vous avez rencontrés avec l’utilisation de la data en tant que Directeur des Systèmes d'Information du pôle Colis et du SI Finance du pôle Courrier ? Comment ces expériences ont-elles influencé votre vision actuelle en tant que CIO chez Bpifrance ?
La transformation du groupe La Poste vers un monde de service, a mis les clients au centre de la donnée. Le fait que les clients consomment et suivent en temps réel leurs services, leur colis, leur courrier quel que soit le canal de communication a été le catalyseur de l’usage de la donnée du client jusqu’au facteur.
Coté Bpifrance, l’arrivée de la Banque en ligne, de l’interactivité des clients dans leurs espace client fait que nous devons aussi passer sur des systèmes d’information temps réels qui sont en interactivité avec l’ensemble des processus, les équipiers de Bpifrance et les partanaires de Bpifrance. Notre Système d’information est de ce fait une plateforme qui fédère différents écosystèmes. Nous déployons des nouveaux « Core Banking System » qui opère des ontologies métiers de bout en bout, avec pour obsession d’augmenter la qualité de la donnée. En effet la prise de décision, la régulation exige de mettre la maitrise de la donnée en centre.
3. En tant que Directeur des Systèmes d'Information chez Bpifrance, quelles sont vos priorités actuelles en matière de transformation numérique et d'innovation ? Comment percevez-vous le rôle de la technologie dans la création de valeur et l'amélioration des opérations au sein de Bpifrance ?
On doit apporter aux entrepreneurs français ce dont ils ont besoin pour grandir, au bon moment et sans délai. Ça veut dire du temps réel, 7 jours sur 7, 24H sur 24, en omnicanal et ça veut dire une panoplie de produits qui couvre tout le champ des besoins en termes de croissance : du prêt, du capital, de l’assurance, de la garantie et du conseil. Donc un catalogue produit très riche et ultra évolutif.
Notre modèle opérationnel est donc celui d’une fintech au service du réseau de nos 1200 chargés d’affaires qui sont en territoires dans 50 implantations au service des entrepreneurs.
Nous servons nos métiers et nos utilisateurs grâce à l’agilité à l’échelle (SAFe), en full devsecops, dans une architecture de micro service avec un modèle objet data abouti. Pour nous, c’est aussi indissociable d’une stratégie de multi cloud hybride. Nous menons ces transformations toute en même temps car cela grandi une cohérence de notre modèle opérationnel.
Mais la technologie permet aujourd’hui d’aller beaucoup plus loin dans la compréhension des enjeux de nos clients, et dans le service à leur apporter. Il faut mettre les entrepreneurs en réseau. Il faut passer au zéro délai dans le financement. Il faut agréger au risque financier des nouveaux risques importants comme le risque cyber et le risque climatique. Tout ça, ça passe par la data : en quantité, en qualité, en capacité d’analyse et de décision. Chez Bpifrance, on implémente depuis plusieurs années des algorithmes d’intelligence artificielle qui augmentent nos utilisateurs sur les sujets de prospection, de gestion de et prévention de la fraude. Le monde de l’IA générative qui est en train de se déployer à toute vitesse nous interpelle forcément, et va nous permettre de passer à des niveaux de performance et d’intimité dans l’exploitation de nos données qui est du jamais vu.
Et puis il y a un enjeu de cybersécurité qui n’échappe plus à personne et dans la banque, on ne parle plus juste d’avoir une sécurité périmétrique. Nous déployons de la détection continue et de l’automatisation de réponses proactives. L’enjeu est autant sur l’état de préparation du système d’information : on parle d’observabilité, de micro-segmentation et de renforcement des moyens de surveillance et d’accès au SI ; que sur l’état de préparation des hommes et des femmes qui composent l’entreprise. On intensifie la formation et la réalisation de simulations autant qu’on le peut pour hausser notre niveau de préparation au meilleur niveau.
4. Quels sont vos plans stratégiques essentiels pour encourager l'innovation et exploiter au maximum la valeur des données au sein de BPI France dans le futur ?
A la DSI de Bpifrance, on sort d’une grosse transformation qui nous a permis de basculer dans l’agile à l’échelle distribué. On dispose maintenant d’un outil industriel pour produire de la valeur à nos métiers, et ça nous permet de passer à l’enjeu suivant, celui d’innover en parallèle. On travaille sur un processus d’idéation qui permette d’aller très vite sur les idées en disruption de nos métiers, dès lors qu’ils s’impliquent à fond. On a l’idée de monter des « équipes fusion », qui reviennent à passer l’agile à l’échelle de l’entreprise, au-delà des stricts sujets informatiques. Notre enjeu, c’est de tester des nouvelles idées, tester ces idées et parfois se planter; sinon, on n’est pas dans la bonne catégorie de sujets.
Pour la data, on a une chance énorme : Bpifrance parle à tous les entrepreneurs de France. Cette chance, on l’a bâtie au fil des décennies d’un service humble, utile, proche des femmes et des hommes sur le terrain. Aujourd’hui, on a donc ce capital d’informations extraordinaire qui nous permet de cerner finement l’état de l’économie des PME françaises et leurs besoins d’accompagnement, financier comme extra-financier. Ce patrimoine, il faut qu’on l’utilise au mieux. On le met à disposition des équipes métier via le cloud et des comptoirs de donnée réactifs. On le croise et on le recroise avec l’intelligence artificielle. On va le passer en dimension multiple avec l’IA générative et la puissance de techniques comme l’analyse sous forme de graph, etc.. Au bout du compte, notre objectif c’est de permettre aux équipes métier de Bpifrance d’augmenter l’intimité de leur connaissance vis-à-vis des clients, de leurs risques et de leurs besoins. Avec ça, clairement, on sert l’avenir.
Pour finir sur ce sujet, chez Bpifrance il y a une chose qu’on a comprise et qui se traduit dans les faits : la donnée, c’est un objet métier. Et la compétence data, c’est quelque-chose qu’il ne faut surtout pas garder uniquement à la DSI. On déploie en ce moment des logiques de « go data » pour confier aux équipes métier les données qui sont les leurs, mises à un niveau d’exploitabilité qui les rend opérantes. On dote aussi nos métiers d’outils de data visualisation pour les rendre autonomes afin de travailler cette donnée et en exploiter tout le sens. On a clairement l’ambition de faire de nos métiers des « data citizen », c’est-à-dire des professionnels capables de comprendre, manier et tirer le meilleur parti de la donnée, en toute autonomie.
5. Lors de Tech Show Paris, vous participerez à une table ronde sur les pratiques Devops. Quel est selon vous l’avantage d’adopter une stratégie Devops pour l’amélioration de la performance d’une entreprise ?
On croit énormément au devops et on le déploie sur toutes nos équipes agiles. D’ailleurs, on a mis en place un passeport devops pour nos équipes agiles : une fois qu’elles l’ont, elles sont autonomes pour leurs mises en production et leurs ouvertures de service. C’est un peu notre gestion de la maturité agile et du fait que l’équipe a parfaitement assimilé l’ensemble des dimensions de son job : bâtir, sécuriser, tester, livrer, opérer, maintenir et augmenter.
On pilote ensuite la performance de nos pratiques devops grâce à la donnée et notamment grâce au DORA (4 indicateurs essentiels) au niveau de chaque équipe.
Le devops, c’est le verrou qui saute dans les délais de mise en production. Ça permet de livrer aux métiers plus souvent un produit plus sécurisé. Ça permet aussi un énorme gain de performance sur les étapes de testing. L’année dernière nous avons doublé le nombre de mise en production (DF Deployment Frequency) en diminuant les notre d’incident (Change Failure Rate) par 2. Nous ambitionnons de le refaire cette année.
Chez Bpifrance, on a ajouté le mot « sec » au milieu de « devops » : on ne parle que de « devsecops ». La sécurité, ce n’est pas négociable et ça fait partie du schéma de maturité exigible de nos équipes agiles. Nos security champions agissent en continu au sein de nos équipes devsecops.
Quand l’informatique va plus vite, l’entreprise peut aller plus vite. Chez Bpifrance, la vélocité stratégique est très forte : si on n’était pas en agile et en devsecops, l’outil technologique serait incapable de suivre cette tension stratégique.
Si vous souhaitez en savoir plus, nous vous invitons à assister aux sessions de Lionel lors du salon. Il participera à une table ronde sur les pratiques Devops jeudi 16, à 10h10 dans le théâtre T4. Puis il présentera une présentation passionnante sur la culture des données, jeudi 16 novembre à 15h20 dans le théâtre T8 Data et AI !